Refus d’expulsion : indemnisation possible ?
Pour rappel, l’État est tenu de prêter son concours afin de permettre au propriétaire ayant un titre exécutoire d’expulser de son bien un occupant refusant de partir. Cependant, il peut arriver que l’État refuse de prêter son concours. Dans ce cas, sa responsabilité peut être engagée et une indemnisation peut être versée au propriétaire. Sous quelles modalités ?
Titre exécutoire et concours de la force publique : comment ça marche ?
Pour rappel, un titre exécutoire est un document juridique qui permet à son titulaire d’exiger de son débiteur l’exécution de son obligation, comme une décision de justice par exemple. Cela peut être une obligation de payer une dette, de réparer ou de restituer un bien ou, dans le cas présent, de quitter un logement ou un local.
La personne titulaire d’un tel titre peut ainsi demander le concours de la force publique pour en obtenir l’application, comme en présence d’un occupant d’un logement qui refuse de partir et contre lequel une décision d’expulsion est prise.
Très concrètement, lorsqu’un juge rend une décision d’expulsion d’un locataire, le propriétaire peut demander au commissaire de justice (anciennement huissier de justice) de solliciter le préfet pour obtenir le concours de la force publique afin que les lieux soient libérés.
Dans ce cas, le préfet a un délai de 2 mois pour répondre, sachant que le défaut de réponse vaut refus.
Pour autant, la loi prévoit que l’État est tenu de prêter son concours à l’exécution des titres exécutoires, faute de quoi il peut être redevable d’une indemnisation.
La loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, dite « loi anti-squat », avait prévu que les modalités d’évaluation de la réparation due au propriétaire en cas de refus du concours de la force publique devaient être précisées par le Gouvernement.
C’est à présent chose faite.
Expulsion et refus du concours de la force publique : quelle indemnisation ?
Lorsque les conditions d’expulsion sont remplies mais que l’État a refusé de prêter son concours ou n’a pas répondu à la demande dans les 2 mois, sa responsabilité peut être engagée à compter de la date du refus ou, en l’absence de réponse, à l’expiration des 2 mois qui suivent la demande du propriétaire bénéficiaire de la décision d’expulsion.
Pour ce faire, le propriétaire doit envoyer au préfet sa demande d’indemnisation avec tous les éléments qui permettent de prouver et de chiffrer les préjudices. Attention, seuls les préjudices ayant un lien direct et certain avec la décision de refus du préfet peuvent être indemnisés.
Cette demande doit faire l’objet d’un accusé de réception précisant les mentions listées ici (date, références du dossier, informations sur le service en charge du dossier, etc.).
Il revient alors au préfet de statuer sur la responsabilité de l’État et, par conséquent, sur la demande d’indemnisation.
Dans l ’hypothèse où la responsabilité de l’État est engagée, le préfet propose un montant d’indemnisation au propriétaire au regard des pièces fournies et, le cas échéant, des justificatifs complémentaires envoyés.
L’indemnisation fait alors l’objet d’une transaction, c’est-à-dire d’un écrit aux termes duquel l’État et le propriétaire acceptent des concessions réciproques afin de mettre fin à une contestation potentielle. Ainsi, le propriétaire, en acceptant la transaction, s’engage à :
- renoncer à tout recours ;
- à rembourser l’État de toute somme qu’il aurait perçue, ou percevra, de la part de l’occupant expulsé ou d’organismes tiers.
En cas de refus d’indemnisation ou d’absence de réponse pendant 2 mois de la part du préfet, le propriétaire pourra se tourner vers le juge pour examen de sa demande.
La responsabilité de l’État, en cas de refus du préfet du concours de la force publique, prend fin lorsque :
- le préfet accorde ultérieurement le concours de la force publique ou à la date de sa mise en œuvre effective lorsqu’elle intervient plus de 15 jours après sa décision, sauf exception ;
- les occupants quittent volontairement les locaux, la date prise en compte étant celle de la constatation de leur départ ;
- le propriétaire bénéficiaire de la décision de justice renonce à poursuivre l’expulsion ;
- le bien immobilier est vendu (dans ce cas c’est la date de signature de l’acte de vente qui est prise en compte) ;
- l’occupant décède.
Très concrètement, sont réparables :
- la perte des loyers et des charges locatives récupérables sur l’occupant ;
- la perte de la valeur vénale du bien liée à une vente désavantageuse ;
- les frais liés à l’impossibilité de vendre le bien ;
- les frais de remise en état ;
- les frais de commissaire de justice ;
- la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ;
- le trouble dans les conditions d’existence.
Concernant la perte de loyer, l’indemnité se calcule par rapport à la valeur locative des locaux, par référence au contrat de bail. Ne sont en revanche pas pris en compte le supplément de loyer ou de frais qui n’est pas la conséquence directe et certaine du refus d’octroi du concours de la force publique.
En l’absence de contrat de bail ou s’il apparaît que le loyer prévu par celui-ci ne correspond pas à la valeur locative réelle du bien, le propriétaire pourra établir par tout moyen le montant de l’indemnité.
Attention : lorsqu’un recours a eu pour conséquence de remettre en cause le titre exécutoire du propriétaire (par exemple en faisant appel de la décision du juge), il n’y a pas de préjudice indemnisable par l’État même en cas de refus du préfet du concours de la force publique.
De même, en cas de délai de grâce accordé par le juge ou de période de trêve hivernale, un tel refus n’engage pas la responsabilité de l’État pendant ce délai ou cette période.
Enfin, si un organisme d’HLM conclut avec l’occupant un protocole d’accord de prévention de l’expulsion, qui permet d’éviter l’expulsion de l’occupant sous conditions, la responsabilité de l’État est suspendue pendant la durée de ce protocole.
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